Une île tropicale vaste et variée (7 pages)
Avec près de 590 000 kilomètres carrés, Madagascar n’apparaît pas seulement comme une des plus grandes îles du monde: véritable petit continent, son territoire s’étend sur plus de 1 500 kilomètres du nord au sud, et 580 de l’ouest à l’est dans sa plus grande largeur.
C’est aussi un monde à part, différent de l’Afrique pourtant très proche puisque le canal de Mozambique, mer peu profonde, a moins de 400 kilomètres dans sa partie la plus étroite. Si certains éléments géologiques se retrouvent sur le continent voisin, les mêmes caractères existent également en Inde et en Australie: arguments qui plaident en faveur de l’hypothèse d’un rattachement ancien de Madagascar aux autres continents; toutefois, la séparation est suffisamment ancienne pour que la flore et la faune possèdent des caractères propres.
Pays tropical dans son ensemble, l’île présente cependant une grande variété d’aspects.
En plus de sa dissymétrie est-ouest et des contrastes topographiques entre Hautes Terres centrales et zones basses périphériques, Madagascar se révèle être avant tout un pays au relief très accidenté.
Diversité des formes du relief
Bien que consacrée par l’usage, l’expression de «hauts plateaux» est incorrecte; en effet, hormis quelques secteurs particuliers comme les tampoketsa au nord-ouest d’Antananarivo (anc. Tananarive), les Hautes Terres centrales constituent un ensemble morcelé et très complexe, juxtaposant les formes de relief les plus variées. Charles Robequain écrit à juste titre que les routes s’y déroulent à travers un dédale «de hautes plaines d’alluvions, de collines monotones empâtées de latérite, massifs compacts, grands dômes isolés, crêtes aiguës et dentelées, relief en pains de sucre, buttes au sommet tabulaire...» Il est utile de préciser en outre que plaines et vallées alluviales se terminent généralement en aval par des seuils rocheux que les rivières dévalent de manière impétueuse, comme l’Ikopa à Farahantsana en aval des plaines d’Antananarivo; que parmi les collines s’opposent reliefs granitiques, aux versants encombrés de rochers, et tanety formées dans les gneiss altérés sur de grandes épaisseurs, et fréquemment éventrées de lavaka (profonds ravinements). À une échelle plus grande, les massifs présentent une égale diversité entre reliefs granitiques (Andringitra), quartzitiques (Itremo) ou volcaniques (Ankaratra), sans compter la variété des cônes, coulées ou cratères qu’offrent les régions volcaniques de l’Itasy ou d’Antsirabe-Betafo.
En direction de l’est, les Hautes Terres se terminent par un escarpement dont l’Angavo, à la latitude d’Antananarivo, ne constitue qu’un des éléments les plus beaux avec le site grandiose de la Mandraka. Mais, ailleurs, cet escarpement se révèle discontinu, généralement suivi d’une série de chaînons liés à des failles: de telle sorte que le voyageur venant de la côte est a plus l’impression de traverser une zone montagneuse que de franchir un simple abrupt. Seul le secteur Alaotra-Mangoro constitue un palier intermédiaire dans cet ensemble très accidenté.
Les régions orientales, en arrière d’une côte rectiligne, présentent également une remarquable diversité. Pas de grande plaine côtière: contrairement à l’impression que donnent les cartes à grande échelle, les rivages de l’océan Indien sont généralement suivis, immédiatement en arrière d’un cordon littoral, de lagunes ou de marais périodiquement inondés, puis par un système confus de basses collines, passant rapidement vers l’intérieur à des collines plus élevées encore, puis à de véritables chaînes montagneuses. Au nord de Mananara, et surtout autour de la presqu’île de Masoala, ces montagnes parviennent même jusqu’à la mer. Ailleurs, de petites plaines littorales peuvent exister, construites par les alluvions des fleuves, mais séparées par des reliefs de basses collines sableuses: c’est à travers ces formations que les hommes ont creusé les «pangalanes» pour relier entre elles les lagunes utilisées par les pirogues des paysans betsimisaraka ou, de Mahanoro à Taomasina (anc. Tamatave), par de petits chalands métalliques.
Par opposition aux Hautes Terres et à cet ensemble oriental, l’ouest de Madagascar est un pays de plaines et de plateaux appartenant à deux grands bassins sédimentaires.
En arrière de Mahajanga (anc. Majunga), le Boina présente le relief le plus adouci. Séparé des Hautes Terres par une grande dépression périphérique de Maevatanana à Boriziny (anc. Port-Bergé), cet ensemble n’est compartimenté que par de petits escarpements qui, de loin en loin, correspondent à des cuestas liées aux formations géologiques les plus résistantes. Tel est le cas des calcaires qui, par ailleurs, sont responsables de l’existence de vastes plateaux karstiques comme l’Ankara au nord d’Ambilobe et le Kelifely au sud-ouest de Mahajanga.
Centré sur Morondava, le Menabe offre une topographie plus différenciée. Les cuestas, dont les revers correspondent toujours à des plateaux, se terminent vers l’est par des escarpements plus vigoureux: tel est le cas du Bemaraha calcaire dominant la dépression du Betsiriry de part et d’autre de Miandrivazo. En outre, l’accès aux Hautes Terres n’est possible qu’après avoir franchi un nouvel abrupt qui prend toute son ampleur avec le Bongolava à l’est du Betsiriry. Conséquence de ce relief, les fleuves, à l’exemple du Manambolo ou de la Tsiribihina, traversent les plateaux en gorges avant de parvenir au canal de Mozambique. En outre, le littoral du Menabe est une côte à deltas, alors que, plus au nord, le Boina présente de grandes baies dont celle de Bombetoka, devant Mahajanga, n’est qu’un exemple parmi bien d’autres.
Plus que dans la topographie, l’originalité du Sud malgache réside dans les particularités climatiques. Le Sud-Ouest se distingue toutefois de l’ensemble occidental sédimentaire par la disparition des reliefs de cuestas au sud de l’Onilahy.
Quant au Sud-Est, en partie cristallin ou volcanique, il est nettement séparé des Hautes Terres par l’escarpement du rebord Manambien qui domine de près de 1 000 mètres les surfaces généralement ondulées de l’Androy. Sud-Ouest et Sud-Est s’opposent en outre par un littoral où dominent, dans le premier cas, les côtes basses, tandis que dans le second les côtes rocheuses s’élèvent souvent à une cinquantaine de mètres et plus, en particulier dans le secteur du cap Sainte-Marie où les falaises atteignant 150 mètres constituent des sites d’une sauvage grandeur face à l’immensité de l’océan.
Enfin, l’extrême Nord, au-delà du seuil de Mandritsara ou de l’Androna, constitue l’ensemble le plus contrasté de Madagascar. Autour du massif complexe du Tsaratanana, avec le point culminant de l’île (2 876 mètres), se juxtaposent des massifs cristallins comme le Marojezy (réserve naturelle), des bassins alluviaux comme l’Ankaibe ou cuvette d’Andapa, des plateaux calcaires comme celui de l’Ankara aux grottes remarquables, de hautes vallées alluviales comme dans l’Ankaizina, des reliefs volcaniques comme la montagne d’Ambre au sud d’Antsiranana (anc. Diégo-Suarez) ou dans la partie occidentale de Nosy Be (anc. Nossi-Bé), des deltas enfin comme celui du Sambirano ou de la Mahavavy du Nord.
À ces multiples aspects du relief continental s’ajoute la variété des fonds sous-marins, caractérisés par l’extension remarquable des récifs coralliens. Madagascar est en effet baignée de mers chaudes; et ce fait, lié à la position géographique de l’île située de part et d’autre du tropique, explique bien des particularités climatiques.
Si Madagascar est caractérisée, sur l’ensemble de son territoire, par des climats tropicaux à saisons nettement tranchées, il convient de rappeler que ceux-ci présentent de nombreuses nuances régionales: leur seul point commun étant, contrairement aux climats tempérés, d’offrir au cours de l’année des différences de températures relativement faibles en comparaison des contrastes saisonniers de la répartition des pluies.
Les températures s’expliquent avant tout par la latitude. Seul le Nord, plus proche de l’équateur, connaît deux maximums par an, au début et à la fin de la saison des pluies. Partout ailleurs, le régime thermique est à deux temps: les maximums s’étendant d’octobre à avril (avec des moyennes souvent supérieures à 25°C), les minimums allant de juin à septembre. Mais, hormis les régions d’altitude, ces minimums sont peu marqués: les températures moyennes restent supérieures à 20°C et l’amplitude annuelle est toujours faible (moins de 5,5°C à Taomasina entre les mois de janvier et de juillet).
L’allongement de l’île sur plus de 1 500 kilomètres n’est pas suffisant pour provoquer des différences notables entre le Nord et le Sud: entre Antsiranana et Taolagnaro (anc. Fort-Dauphin), la moyenne ne s’abaisse que de 4°C.
L’altitude, par contre, fait baisser les températures moyennes du mois de juillet à 13,3°C pour Antananarivo et à 12,4°C pour Antsirabe. En été, les maximums sont également moins élevés. De plus, les amplitudes annuelles sont plus marquées, l’amplitude diurne pouvant par ailleurs être assez forte: en octobre, Antananarivo peut déjà enregistrer des maximums diurnes proches de 23°C et connaître des chutes de températures supérieures à 10°C (minimum diurne 12,2°C).
De même, la continentalité peut jouer un rôle non négligeable. Les régions les plus chaudes de Madagascar se trouvent dans les zones de faible altitude situées à l’abri des influences maritimes: ainsi Maevatanana a une température moyenne de 27,4°C (avec des maximums supérieurs à 39°C) tandis qu’à Mahajanga les mêmes données sont respectivement de 26,9°C et de 37,5°C. Encore faut-il préciser que le canal de Mozambique étant, du fait de sa faible profondeur, une mer chaude à caractère continental, la côte occidentale de Madagascar est, à latitude égale, plus chaude que la côte est.
Enfin, il convient de rappeler que la pluviosité ne manque pas d’avoir une influence sur les températures: il peut faire plus chaud à Antananarivo par une belle journée ensoleillée qu’à Taomasina à l’heure d’une grosse averse, lorsque le ciel est couvert et que souffle le vent du large.
Selon les régions, la saison chaude et pluvieuse peut durer entre quatre et dix mois. La zone orientale est la plus humide: à telle enseigne que, pendant le mois d’octobre qui correspond à la période la moins arrosée de l’année, Taomasina connaît encore en moyenne quinze jours de pluie, et Maroantsetra reçoit pratiquement autant de précipitations que Toliara (anc. Tuléar) au mois de février (plus de 60 mm).
Ces caractères sont dus à plusieurs facteurs :
Si, durant la saison chaude, Madagascar se trouve sous la menace de cyclones successifs, pendant toute l’année, les régions orientales sont frappées de plein fouet par l’alizé du sud-est. Cet air, issu de l’anticyclone du sud-ouest de l’océan Indien, est fortement chargé d’humidité en toutes saisons et apporte des pluies, surtout sur la côte orientale et les reliefs de l’intérieur.
En été, il apparaît en outre très instable et présente une forte tendance à des mouvements ascendants: les pluies sont alors très importantes sur le versant est ainsi que sur les Hautes Terres; par contre, l’alizé perd progressivement son humidité en descendant au-dessus des régions occidentales.
Toutefois, vers le nord-ouest, la rencontre avec l’air tropical assimilé à la mousson provoque la formation d’un «front» dit front intertropical responsable de précipitations parfois considérables. De même, au contact des masses d’air formant la dépression permanente du canal de Mozambique, l’alizé provoque des pluies sur l’ouest de l’île, principalement entre décembre et mars.
Ainsi, sans entrer davantage dans le détail des mouvements des masses d’air, s’expliquent à la fois la persistance des pluies pendant presque toute l’année sur le versant oriental, leur concentration saisonnière sur le versant occidental, leur rareté et leur irrégularité sur l’extrême Sud.
Les différences régionales sont suffisantes pour faire de Madagascar un ensemble où se juxtaposent des paysages végétaux très dissemblables. Le versant oriental correspond au domaine de la forêt dense à feuilles persistantes. Le versant occidental, au contraire, correspond au domaine de la forêt claire à feuilles caduques. Le Sud-Ouest, enfin, est caractérisé par une brousse adaptée à la sécheresse.
De multiples arguments concourent à prouver que Madagascar a été autrefois largement recouverte de forêts. En réalité, à l’heure actuelle, les forêts primitives ont disparu sur de très grandes surfaces. S’il reste d’importants massifs forestiers sur les versants orientaux, ceux-ci ont néanmoins perdu beaucoup de place au profit de formations secondaires de type savoka constituées par des associations de petits arbres ou arbustes qui vivent à l’état naturel en bordure des ruisseaux et à la lumière.
Tel est le cas des savoka à bambou, ou encore des savoka à ravinala – communément appelé arbre du voyageur – dont les graines se conservent très longtemps. Toutefois, les défrichements et les feux répétés conduisent au remplacement de ces savanes par des formations de graminées, qui occupent de grandes surfaces, en particulier sur les collines de la côte sud-est.
Sur les Hautes Terres du centre, la déforestation a été plus poussée encore. S’il reste quelques témoins de la forêt primaire en montagne (comme dans l’Ankaratra), les massifs forestiers actuels sont le résultat d’une politique suivie du service des Eaux et Forêts en faveur du reboisement. Outre les pins, les Hautes Terres centrales présentent ainsi des bois d’eucalyptus et des formations subspontanées de mimosas. Mais on n’y trouve pas de savoka: la forêt primitive, plus fragile que dans l’est, paraît avoir été remplacée directement par une lande à bruyères géantes (dont la région de Mantasoa offre un exemple) ou plus généralement par une steppe où dominent les graminées les plus rustiques adaptées au régime des feux: le bozaka .
Seule analogie entre les deux zones, les marais, généralement colonisés par des peuplements serrés de cypéracées (parmi lesquelles le zozoro : Cyperus madagascariensis ).
Les immensités de l’Ouest ne présentent, elles aussi, que les restes d’une forêt claire à feuilles caduques autrefois beaucoup plus étendue. Les formations dégradées ont de ce fait une importance relative, et cela malgré l’importance des peuplements de roseaux (bararata ) dans les secteurs de marais, et de palétuviers (mangrove) sur les vasières des estuaires ou du littoral. Les formations secondaires sont ici des savanes, associant un tapis de graminées à un semis d’arbres plus ou moins espacés: parmi ceux-ci, un palmier, le satrana , domine dans le bassin de Mahajanga, pour laisser la place au baobab dans la région de Morondava, et plus au sud, près de Morombe, à des épineux qui annoncent déjà les paysages situés au-delà du Capricorne.
Paradoxalement, cette végétation des régions les plus défavorisées au point de vue de l’humidité est la mieux conservée. Dans tout le Sud, la rareté et l’irrégularité des pluies limitent les défrichements en vue d’une extension des cultures. La prédominance des plantes grasses (dont beaucoup d’endémiques, comme l’extraordinaire fantsiholitra ) et surtout l’absence de tapis de graminées ne favorisent pas la pénétration des feux de brousse: de sorte que la forêt claire de l’Ouest a beaucoup plus souffert de l’action directe ou indirecte de populations pourtant moins denses que celles de l’Androy ou du pays Mahafaly.
Les hommes et leur répartition
Les modalités de la mise en place des populations de l’île font encore l’objet de recherches minutieuses. Aux migrations malayo-polynésiennes qui ont pu s’effectuer au cours des siècles entourant le début de l’ère chrétienne se sont ajoutés des apports africains à travers l’étroit canal de Mozambique, arabes (dont les Antaimoro du Sud-Est reçurent l’écriture) et européens. Mais, pendant une longue période, les groupes d’immigrants transplantés dans un monde vaste et divers ont fini par acquérir des originalités qui les font se distinguer les uns des autres; ainsi se seraient formés les différents groupes ethniques, longtemps improprement appelés autrefois races ou tribus.
La population actuelle, en accroissement rapide, avoisinait 12 millions d’habitants en 1990. Elle demeure néanmoins très inégalement répartie, l’axe des Hautes Terres et la côte est rassemblant les plus fortes densités tandis que l’Ouest, où les densités inférieures à 5 habitants au kilomètre carré sont fréquentes, reste vide en dehors de quelques secteurs privilégiés.
Ces contrastes dans la géographie humaine, alliés à la diversité du milieu naturel, contribuent à faire de Madagascar un pays juxtaposant des régions très dissemblables, mais économiquement complémentaires.
Du fait de cette diversité, le découpage régional de Madagascar présente une grande complexité.
Limitées par le seuil de l’Androna au nord et celui de Ranotsara au sud, par les escarpements de l’Angavo à l’est et du Bongolava à l’ouest, les Hautes Terres centrales offrent une grande diversité de formes de relief. Au point de vue humain, elles se partagent entre Imerina, centrée sur Antananarivo au nord, et Betsileo au sud, le Vakinankaratra formant un secteur intermédiaire. Malgré cette diversité, l’ensemble présente une grande originalité. Pays de montagnes, il bénéficie grâce à l’altitude d’un climat tempéré en comparaison des bas pays environnants. Il correspond à un axe de population dense, essentiellement orientée vers la production rizicole.
Si la place du riz dans l’espace cultivé varie au point d’être exclusive dans les plaines d’Antananarivo, et limitée aux fonds de vallons et à la partie basse des versants aménagés en terrasses dans le Betsiléo, il s’agit partout d’une riziculture très élaborée, avec un contrôle minutieux de l’eau. Cette production est complétée par des cultures sèches traditionnelles (maïs, manioc, patate, etc.) auxquelles s’ajoutent légumes et fruits de la zone tempérée. Les surfaces non cultivées ou en jachère sont laissées en pâture extensive aux troupeaux. Mais l’élevage des Hautes Terres n’est pas seulement juxtaposé à l’agriculture: en beaucoup d’endroits, il s’y associe, dans la mesure où les zébus sont utilisés pour le travail des rizières et le fumier de parc recueilli comme engrais.
Bien que participant très peu aux courants commerciaux d’exportation, cette agriculture élaborée a servi de support au développement d’une vie urbaine relativement importante. Les villes rassemblent en effet près d’un million d’habitants, soit plus du quart de la population totale.
Antananarivo, capitale politique, administrative, intellectuelle et commerciale, possède en outre de nombreuses activités industrielles. En cours d’expansion rapide, l’agglomération comptait plus de 800 000 habitants en 1990, et s’étend de plus en plus dans les plaines ceinturant le rocher qui porte la ville haute.
Reliée à la capitale par route goudronnée et par chemins de fer, Antsirabe (dont l’agglomération dépasse 80 000 habitants) n’est plus seulement une ville thermale, mais également un centre industriel grâce à son usine cotonnière, sa brasserie et ses manufactures de tabac et cigarettes. Plus au sud, Ambositra (plus de 20 000 habitants) et surtout Fianarantsoa (124 500) sont les principaux centres régionaux du Betsiléo, situés chacun dans un petit bassin essentiellement rizicole et densément peuplé.
Contrastant avec cet axe où l’activité économique est intense, les marges occidentales, encore vides, constituent des zones d’élevage extensif: seuls quelques secteurs d’immigration comme la Sakay à l’ouest d’Antananarivo constituent des exemples de mise en valeur intensive. De même, les escarpements forestiers qui limitent les Hautes Terres à l’est ne sont exploités que par des populations peu denses, pour lesquelles les cultures sur tavy (brûlis de forêt) restent la principale occupation avec le travail du bois. Seule la région du lac Alaotra, située sur un palier intermédiaire entre les Hautes Terres et la côte est, a fait l’objet de grands aménagements hydrauliques et constitue de ce fait un véritable grenier à riz.
L’Ouest, où le relief est caractérisé par l’extension des plaines et des bas plateaux, et le climat chaud par une sécheresse saisonnière accusée, est beaucoup moins peuplé. Malgré l’immigration merina ou betsileo, les aménagements hydrauliques sont encore peu étendus, et les secteurs cultivés ne forment encore que des taches diffuses au milieu des savanes livrées par les Sakalava à un élevage bovin très extensif. Grâce à l’étendue des deltas et des terres alluviales périodiquement inondées (baiboho ) encore inexploitées, l’ouest de Madagascar est incontestablement une région d’avenir où la riziculture (développée par les Betsileo et les Antaisaka immigrés) et les plantations modernes (tabac, coton) sont susceptibles de grands développements.
Dans la partie septentrionale, la vie régionale s’organise autour d’Antsohihy, desservie par les boutres et caboteurs remontant l’estuaire de la Loza, et surtout autour de Mahajanga (122 000 habitants en 1990), deuxième port de Madagascar, possédant quelques industries alimentaires ou textiles (coton, paka) mais surtout centre de commerce et chef-lieu d’une province très étendue. Analalava, malgré un site admirable, ne conserve aujourd’hui qu’un rôle économique limité. Ancienne capitale du royaume sakalava, Marovoay retient l’attention par la station agricole de Tsararano, véritable laboratoire de la riziculture malgache, et l’aménagement de 30 000 hectares de rizières dans la plaine environnante. À l’ouest de la baie de Bombetoka, le delta de la Mahavavy du Sud a également fait l’objet de travaux récents de mise en valeur: plus de 2 000 hectares consacrés à la canne en font l’une des quatre grandes régions productrices de sucre de Madagascar.
Dans la partie méridionale, la vie économique et urbaine se concentre à Maintirano, Morombe et surtout Morondava (plus de 20 000 habitants), villes malheureusement difficiles d’accès par la route, surtout en saison des pluies.
À l’exception de Mahabo, reliée par route goudronnée à Morondava, les centres de l’intérieur sont plus isolés encore. Pourtant, les sujets d’intérêt économique sont nombreux: Miandrivazo est le centre des plantations de tabac et de coton du Betsiriry, Manja celui d’une zone productrice d’arachides, Ankazoabo celui d’un secteur cotonnier. Mais les réalisations les plus spectaculaires demeurent, malgré les dégâts infligés par les inondations périodiques, les aménagements de la basse vallée du Mangoky dont la traditionnelle production de pois du Cap (exportée par le port de Morombe) est aujourd’hui dépassée par le riz et le coton, produits sur les milliers d’hectares irrigués par la Samangoky en aval de Tanandava.
Sur la côte proprement dite, les villages Vezo se consacrent essentiellement à la pêche, mais sont généralement très mal desservis par les moyens de communications modernes.
Paradoxalement, malgré une côte beaucoup moins hospitalière, la façade indienne apparaît plus ouverte.
Zone forestière à l’origine, la côte est, chaude et humide, est devenue une zone de plantations et de champs vivriers, alimentant une population nombreuse mais inégalement répartie. Le peuplement se concentre en effet dans les principales vallées et, en bordure du littoral, à proximité des anciens marais aménagés en rizières.
Ainsi, même en dehors des tavy , le riz occupe encore une place appréciable. Mais les cultures d’exportation sont ici essentielles: girofle au nord de Fenoarivo (anc. Fénérive) et à Nosy Boraha (anc. Sainte-Marie), bananes près de Taomasina, canne à sucre autour d’Ampasimanolotra (anc. Brickaville) et surtout café, cultivé partout, parfois en association avec le poivre.
Tout le secteur situé au nord du bas Mangoro, en contrebas des régions occupées par les Sihanaka et les Bezanozano, correspond au pays betsimisaraka. Le secteur méridional au contraire est beaucoup plus varié au point de vue ethnique: aux Tanala des reliefs forestiers de l’intérieur se succèdent le long de la côte Antambahoaka, Antaimoro, Antaifasy et Antaisaka, respectivement installés autour de Mananjary, Vohipeno, Farafangana et Vangaindrano.
Le long de cette bande étirée sur plus de 1 000 kilomètres du nord au sud, il n’y a pas de centre unique, mais une série de petites villes ayant conservé une activité portuaire. Celle-ci est cependant en voie de concentration: déjà le port de Farafangana a été fermé et le trafic se concentre à Mananjary reliée par route bitumée aux Hautes Terres, à Manakara (terminus du chemin de fer de Fianarantsoa à la côte est) et surtout Taomasina (près de 100 000 habitants), port d’Antananarivo et centre industriel (raffinerie de pétrole, travail de la tôle), dont le trafic dépasse un million de tonnes par an.
Malgré un site incomparable, Antsiranana ne possède qu’un trafic portuaire dix fois moins important.
L’extrême Nord de Madagascar, de position excentrique, est encore mal relié au reste de l’île. Il s’agit pourtant d’un ensemble extrêmement varié, juxtaposant des aptitudes souvent complémentaires.
La vie rurale traditionnelle, adaptée aux conditions naturelles, présente de ce fait plusieurs aspects.
Dans le secteur nord-est, plus sec, l’élevage domine, secondé par des cultures de maïs et d’arachide. Il en est un peu de même dans les régions montagneuses de l’intérieur où l’altitude, le relief, l’eau, et les problèmes de desserte limitent l’extension des cultures: l’Ankaizina, malgré l’étendue de ses hautes plaines alluviales, est surtout une région d’élevage rassemblant plus de 200 000 zébus.
Les pays plus humides sont au contraire des secteurs où les cultures prennent une plus grande importance. Si les domaines forestiers sont encore caractérisés par la pratique de l’agriculture itinérante sur brûlis (tavy), la riziculture prend une place importante chez les Tsimihety.
L’économie rurale est par ailleurs également basée sur les cultures de plantation. L’Est associe principalement la vanille (précocement introduite par des planteurs réunionnais au XIXe siècle) et le café, essentiellement produit dans le cadre de petites exploitations familiales. À l’ouest, au contraire, de grands domaines s’étendent à Nosy Be (canne à sucre, café, poivre, plantes à parfum) et surtout dans le delta de la Mahavavy du Nord où la Société sucrière de la Mahavavy (Sosumav, aujourd’hui nationalisée) a mis en valeur plus de 10 000 hectares et traité annuellement près de 500 000 tonnes de cannes. Le Sambirano, voisin autrefois producteur de sucre, concentre actuellement la production malgache de cacao, remarquable non par sa quantité mais par sa qualité.
En face du Sambirano, Nosy Be développe les activités liées au tourisme.
Au nord de cet ensemble de pays aux aptitudes diverses, Antsiranana (plus de 50 000 habitants) est une capitale régionale vivant plus de ses fonctions administratives et militaires que du commerce et de l’industrie. Toutefois, son arsenal constitue la plus importante entreprise de Madagascar au point de vue du nombre d’ouvriers (plus de 2 000).
À l’autre extrémité de l’île, au sud du Capricorne, les paysages n’ont rien de commun avec ceux des autres régions. Non seulement le relief s’y organise de façon différente, mais la végétation présente une remarquable originalité.
Peu de rizières dans ce pays sec: les principales cultures de l’Androy ou du pays mahafaly sont le maïs et le sorgho. À ces cultures se juxtapose un élevage très extensif de bovins dont les bucranes ornent les tombeaux surmontés d’aloalo (poteau funéraire en bois sculpté) et de chèvres mohair (dont la laine, utilisée pour la fabrication de tapis, fait le renom de la petite ville d’Ampanihy).
De ce fait, le paysage rural s’organise de manière originale avec ses champs enclos à l’intérieur de haies d’épineux, d’agaves ou de raketa (cactus commun du sud de Madagascar) tandis que les villages se concentrent à proximité des points d’eau.
Seule forme importante d’économie moderne: les plantations de sisal de la basse vallée du Mandrare. En plus de la ville d’Amboasary, centre économique et administratif de cette petite région, la production de fibres anime Tolanaro (24 000 habitants), ancien établissement français du XVIIe siècle.
Mais déjà Tolanaro ne fait plus franchement partie du Sud: au passage des chaînes anosyiennes, le climat se modifie de façon brutale et l’aridité fait place aux influences océaniques. Les multiples plages des environs sont toutes plus belles les unes que les autres, et les activités industrielles sont le clivage du mica, la filature et le tissage du sisal.
Toliara (58 000 habitants) demeure la capitale incontestée du Sud. Principale ville de ce vaste ensemble, elle étend très loin son influence commerciale, mais son port, reflétant l’économie de l’arrière-pays, n’a encore qu’un trafic limité (65 000 tonnes).
Ainsi Madagascar apparaît comme un pays rempli de contrastes. Si l’intérêt économique général veut que certains écarts entre les différentes régions soient rapidement comblés, en particulier en ce qui concerne les niveaux de vie, il apparaît aussi que la diversité des sites et des climats constitue un remarquable potentiel touristique jusqu’ici encore peu exploité.